Dans la province du Tanganyika, au sud-est de la République démocratique du Congo, le sous-sol de Manono attire désormais les regards du monde entier. Jadis cité minière oubliée, cette localité se trouve aujourd’hui au cœur d’une compétition géopolitique de grande envergure. L’enjeu : le lithium, composant stratégique des batteries indispensables à la transition énergétique mondiale.
Alors que le monde s’éloigne progressivement des énergies fossiles, le lithium est devenu l’« or blanc » du XXIe siècle. La demande explose, tirée par l’essor des véhicules électriques, des énergies renouvelables et des technologies de stockage. Dans cette course effrénée, la RDC, qui abrite à Manono l’un des plus vastes gisements inexploités de lithium, s’impose comme un acteur incontournable.
Des multinationales telles que Kobold Metals, soutenue par la Silicon Valley, ou Rio Tinto, géant anglo-australien, se positionnent agressivement sur le dossier. Leur intérêt dépasse la seule logique économique : il s’agit aussi de sécuriser l’approvisionnement à long terme pour leurs pays respectifs.

Une opportunité géopolitique pour Kinshasa
Pour Kinshasa, cette conjoncture représente une opportunité sans précédent. En diversifiant ses partenaires, le gouvernement congolais accroît sa marge de manœuvre et évite une dépendance excessive, notamment vis-à-vis de la Chine, déjà ultra-présente dans le secteur des minerais stratégiques (cuivre, cobalt, etc.).
Un rapprochement en cours de négociation entre Kobold Metals et Rio Tinto pourrait renforcer la position de négociation de la RDC. Il pourrait également accélérer la concrétisation de projets longtemps bloqués par des incertitudes techniques ou juridiques. Ce repositionnement stratégique permettrait à Kinshasa d’imposer de nouvelles conditions : transfert de technologies, part accrue pour l’État, respect des normes environnementales et sociales.
L’ombre de la Chine, la promesse des États-Unis
Mais la partie est loin d’être gagnée. La Chine, déjà dominante dans l’exploitation et la transformation des minerais stratégiques africains, suit de près l’évolution du dossier Manono. Elle pourrait réagir par une stratégie de surenchère ou de diplomatie économique pour préserver ses intérêts.
De leur côté, les États-Unis — qui, sous l’administration Trump, ont affiché leur ambition de renforcer la présence américaine en Afrique — devront aller au-delà des déclarations d’intention. Pour espérer un meilleur accès aux ressources congolaises, Washington devra offrir à Kinshasa des garanties solides, à la fois économiques, sécuritaires et infrastructurelles.
Manono, symbole d’un enjeu mondial
Plus qu’un simple projet minier, Manono devient un symbole. Un symbole des tensions croissantes autour des ressources critiques, mais aussi un test de la capacité de la RDC à défendre ses intérêts nationaux dans un environnement global hautement concurrentiel.
L’issue de cette bataille ne dépendra pas uniquement des géants miniers ni des grandes puissances. Elle reposera avant tout sur la capacité de Kinshasa à concilier ambition stratégique et mise en valeur responsable, transparente et souveraine de ses richesses.
Lovic-Benjamin Nsapu