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Fin de bail, début des ennuis : le non-remboursement des garanties locatives dénoncé à Kinshasa

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Photo d'illustration.

À Kinshasa, de nombreux locataires vivent un véritable cauchemar à la fin de leur contrat de bail. Ce qui devrait être une simple formalité — la restitution de la garantie locative — se transforme bien souvent en un parcours du combattant, marqué par des refus catégoriques, des promesses non tenues ou, pire encore, le silence total du bailleur. Cette situation suscite frustration, colère et un profond sentiment d’injustice chez les victimes, tout en révélant une faille béante dans l’application de la loi.

Une obligation légale ignorée

La Loi n°15/025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnels est pourtant claire : l’article 11 stipule que « le bailleur est obligé de rembourser la garantie locative à la fin du bail ». Cette disposition s’applique aussi bien aux baux résidentiels qu’à ceux à vocation socioculturelle.

Par ailleurs, l’article 18 encadre strictement le montant de cette garantie, le limitant à trois mois de loyer pour les locations résidentielles. En théorie, ce cadre légal protège les locataires contre les abus. Mais dans la réalité kinoise, ces dispositions sont trop souvent ignorées ou violées par les bailleurs, sans conséquence judiciaire ni administrative.

Un sentiment d’arnaque généralisée

Pour de nombreux locataires, le refus de remboursement s’apparente à une véritable arnaque légalisée. En l’absence de structure efficace de recours, d’inspection systématique de l’état des lieux, ou d’un encadrement rigoureux de la gestion locative, les bailleurs disposent d’un pouvoir disproportionné. Certains profitent de la méconnaissance de la loi ou de l’inaction des institutions pour retarder, voire bloquer, la restitution de la caution sans justification valable.

« Mon bailleur m’a dit qu’il allait me rembourser dans un mois. Ça fait six mois que j’attends », témoigne Justine, une ancienne locataire du quartier Mbinza Delvaux. Comme elle, des dizaines de locataires affirment avoir quitté leur logement en bon état, sans jamais revoir leur garantie locative.

L’État pointé du doigt pour son silence

Ce phénomène persistant met en lumière l’inaction des autorités compétentes. Le Ministère de l’Urbanisme et Habitat, tout comme les juridictions de proximité, sont rarement saisis. Et lorsqu’ils le sont, les procédures s’éternisent, au détriment des locataires. L’absence de mécanismes de suivi ou de médiation accélérée favorise un climat d’impunité.

Des organisations de la société civile appellent à une réforme de l’application de la loi. Elles plaident notamment pour la création d’un registre locatif national, l’instauration d’un mécanisme de dépôt et de restitution sécurisés de la garantie locative, ainsi que pour des sanctions financières dissuasives à l’encontre des bailleurs défaillants.

Alors que les conflits locatifs se multiplient dans une ville où la pression démographique accélère l’urbanisation, la régulation du secteur devient une urgence sociale. Un encadrement plus strict des contrats, leur formalisation obligatoire devant notaire, ainsi qu’une éducation juridique des deux parties, pourraient contribuer à rééquilibrer la relation entre bailleur et preneur.

En attendant, à Kinshasa, le bail locatif reste un jeu à risque, dans lequel le preneur perd souvent plus que son toit : il perd aussi sa confiance en la justice.

Lovic-Benjamin Nsapu