La Société Nationale d’Électricité (SNEL) a révélé avoir laissé échapper une opportunité de chiffre d’affaires de près de 4 milliards de dollars dans le secteur minier au cours des cinq dernières années. Cette déclaration, faite par son directeur général Fabrice Lusinde lors de la 10ᵉ édition du forum Makutano, met en lumière les conséquences du déficit énergétique en République Démocratique du Congo.
« Les clients miniers achètent chaque année pour environ 800 millions de dollars d’énergie à la SNEL, mais ils dépensent également 200 millions de dollars pour importer de l’électricité d’Afrique australe et entre 500 et 600 millions de dollars pour des produits pétroliers afin de faire fonctionner leurs parcs thermiques », a expliqué Lusinde.
Ces dépenses cumulées, évaluées à environ 4 milliards de dollars sur cinq ans, auraient pu être captées par la SNEL si elle avait été capable de répondre à la demande croissante du secteur minier. Selon des données financières consultées par Bankable Africa, ces montants dépassent largement le chiffre d’affaires annuel moyen de la SNEL, qui s’est établi à 762 millions de dollars entre 2020 et 2022.
Des investissements insuffisants pour une infrastructure vieillissante
La SNEL, créée en 1970, peine à moderniser ses infrastructures de production et de distribution d’électricité. Malgré des investissements annoncés de 203 millions de dollars entre 2020 et 2022, la société publique reste loin de répondre aux besoins du secteur minier et de la population.
« Le secteur minier veut produire de manière durable, mais les délais pour développer des projets hydroélectriques, souvent supérieurs à cinq ans, poussent les entreprises à se tourner vers des solutions temporaires et coûteuses comme le diesel », a ajouté Jean-Pierre Nzuru, directeur technique de Ivanhoe Mines Energy.
Cependant, Nzuru a salué les efforts des entreprises minières qui cofinancent la réhabilitation de parcs de production de la SNEL. Ces initiatives ont permis de restaurer une capacité installée de 820 MW, contribuant à pallier une partie du déficit énergétique.
Une opportunité économique sous-exploitée
Le manque de compétitivité de la SNEL s’explique également par sa rentabilité économique limitée à 3 %. Ce faible rendement complique l’accès au financement sur les marchés locaux et internationaux, où les taux d’intérêt restent élevés.
Au-delà du secteur minier, des milliards de dollars échappent également au marché de l’électricité en RDC en raison de coûts de distribution prohibitifs, poussant la majorité des foyers à utiliser du bois de chauffe pour la cuisson. Cette situation souligne l’urgence de réformes structurelles et d’investissements massifs pour exploiter pleinement le potentiel énergétique du pays, riche en ressources hydroélectriques.
Makutano 2024 : un appel à l’action
Lors du forum Makutano, Fabrice Lusinde a plaidé pour une meilleure collaboration entre les acteurs publics et privés afin de développer des infrastructures énergétiques durables.
« Ces 4 milliards manqués ne sont pas seulement une perte pour la SNEL, mais pour toute l’économie nationale. Nous devons agir vite pour changer cette dynamique », a-t-il conclu.
Alors que la RDC aspire à devenir un moteur économique en Afrique, la question de l’énergie se pose comme un défi majeur. Une réponse efficace pourrait transformer le secteur énergétique en un levier clé de développement pour le pays.
Lovic-Benjamin Nsapu